25-10-2012
Le sel pour monnaie
DNA
par Camille Andres, publié le 25/10/2012
region de Saverne
Évelyne Doerr a lancé le groupe SEL de Phalsbourg. C’est à l’aide de «pommes» de papier que les échanges sont financés. Chaque membre bénéficie à son arrivée d’un crédit de 80 pommes. Photo DNA
À Phalsbourg et Bossendrof sont nés récemment deux groupes de système d’échange local. Le concept, qui sera évoqué dans le cadre du forum Octobre verre à Meisenthal, permet d’échanger des temps de service, financés par… de grains de sel.
J’aimerais bien apprendre à tricoter des chaussettes, je ne sais pas comment faire, j’ai pas appris », raconte Evelyne Doerr, couturière à Vieux-Lixheim en parcourant le catalogue de biens et de services proposés par le Système d’échanges local (SEL) de Phalsbourg, qu’elle a constituté au printemps dernier. Ce groupe local permet d’échanger des services contre une monnaie « de papier », sans valeur financière : des pommes (voir encadré).
À Bossendorf, un autre groupe SEL est né, mais il utilise une autre monnaie : des grains de sel, appelés Bret’SEL. « Un grain de sel est égal à une minute de temps, une heure de temps à 60 grains de sel », explique la responsable du groupe, Sonia Losson. Pour les membres du groupe de Bossendorf, le SEL « c’est une banque de temps », qui est disponible. Ainsi, « quelqu’un qui s’y connaît en informatique va former une personne à utiliser un service de messagerie pendant une demi-heure », explique Sonia Losson. Il aura donc gagné trente Bret’SEL.
« Une autre personne pourra venir lui faire ses carreaux pendant une demi-heure »
Dont il pourra se servir pour « acheter » une autre compétence disponible parmi celles proposées par le groupe de Bossendorf. « Une autre personne pourra venir lui faire ses carreaux pendant une demi-heure, par exemple », explique Sonia Losson. Le système garantit donc une parfaite équité en terme de temps passé.
Mais tous les SEL, et c’est leur particularité, ne fonctionnent pas selon des règles identiques. Ainsi à Phalsbourg, le catalogue mêle services et biens. On peut donc théoriquement échanger une heure d’aide pour couper du bois, contre un panier de pommes, qui auront pris moins de temps à être ramassées. « Mais après, c’est à chacun de négocier, l’objectif c’est avant tout de permettre de créer des échanges, et que chacun y trouve son compte. C’est un lien social fantastique, qui ne se comptabilise pas », défend Évelyne Doerr, à Vieux-Lixheim.
Tout comme Sonia Losson, à Bossendorf, elle explique avoir lancé l’initiative de ce « troc » structuré par la volonté de « sortir des rapports monétaires », qui sont « pénalisants ». « Il existe d’autres moyens d’obtenir des services ou des objets, que de passer par l’euro », résume Sonia Losson.
Au cœur des SEL, il y a la volonté de recréer du lien au niveau local. « Il faut favoriser les relations sociales, et les échanges », poursuit Sonia Losson. « Le SEL e réaluise à un niveau très local, pour éviter les déplacements, il y a un aspect écologique et économique ». Même si pour le moment, le groupe de Bossendorf regroupe des participants de Saverne et Haguenau « qui ont en projet de créer leur propre structure localement, plus tard ». Surtout, il permet de mettre en valeurs les compétences de chacun.
« Ce troc-là, dans les villages, a toujours eu lieu »
Par certains aspects, ces groupes d’échanges, remplacent ou recréent des liens qui ont disparu ou ne se sont plus transmis au niveau local. « Ce troc-là, dans les villages, a toujours eu lieu », affirme Évelyne Doerr, originaire de Neuwiller-lès-Saverne. L’existence du SEL n’empêche pas les liens déjà existants de fonctionner « Avec mes voisins, on s’entend très bien, il y a une grande solidarité », poursuit-elle. De même, souvent, l’échange des biens ou de services se pratique toujours, « mais entre personnes qui se connaissent », rappelle Sonia Losson. Le SEL permet de structurer les offres et les demandes et de les mettre en relation, via un catalogue distribué aux membres, pour le groupe de Phalsbourg, ou un site internet, pour Bossendorf.
Il permet aussi de répondre à des personnes en situation économique difficile. « Si j’ai créé le groupe, c’est en raison de la demande d’amies, mamans célibataires, pour qui le 20 du mois, c’est cata », affirme Évelyne Doerr. Le catalogue du SEL de Phalsbourg propose ainsi des fruits, de la farine ou de l’huile biologique, mais aussi la location d’appareils électroménagers parfois coûteux (nettoyant à vapeur, échelle, lave-linge, etc), mais aussi des prêts de biens culturels (livres, DVD)…
Seule limite, pour ne pas concurrencer le système marchand, et ne pas tomber dans le travail au noir : un participant ne peut pas proposer des compétences qui relèvent de son domaine de travail. « Moi qui suis couturière, et possède mon entreprise, je ne donnerai pas de cours de couture dans le cadre du SEL. Par contre, je propose d’apprendre à faire du pain, des conserves… » explique Évelyne Doerr.
Seule difficulté, pour ces groupes : leur lancement. À Saverne, une telle tentative avait été initiée il y a quelques années par le centre socioculturel, mais n’avait pas trouvé de suite, par manque d’une personne disponible pour s’en occuper pleinement. Le directeur Jean-Louis Durousseau se dit cependant à l’écoute pour aider « toute initiative » en la matière qui se lancerait sur le secteur. Les grains de sel n’ont pas fini d’essaimer.
Les SEL dans votre région Phalsbourg : Évelyne Doerr : atoutsel57@gmail.com. Bossendorf : Sonia Losson : 03 88 02 29 16 Wangen : Liliane Leininger, 13, rue du Moulin, 67 520 Wangen – 03 88 87 72 65 – e-mail : tournesel@orange.fr